Affaire Tapie. Les trois arbitres : le soupçonné et les deux "insoupçonnables"
Une brève pour manifester de l'étonnement devant les tenants et aboutissements de cette affaire qui a coûté 400 millions d'euros à l'Etat dont 45 au titre du préjudice moral (inadmissibles quand on sait que Patrick Dils, accusé à tort d'avoir tué deux gamins, fit 15 années de prison avec une pancarte "tueur d'enfants" qui lui valut, tarif habituel, le privilège d'être sauvagement violé, et se vit indemnisé à hauteur de seulement un million et qu'à l'époque, des voix se sont élevées pour dire que cela faisait beaucoup)
Les trois arbitres furent choisis en fonction de leur caractère "insoupçonnable" et de leur neutralité supposée. On sait depuis que Pierre Estoup est très controversé puisqu'il connaissait suffisamment Tapie pour que ce dernier lui ait dédicacé de façon affectueuse et personnalisée un de ses livres, qu'il fut à maintes reprises en affaires avec un des principaux avocats du dit Tapie et que sans préjuger de sa culpabilité, il est actuellement mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" - ce qui n'est pas rien.
Les deux autres arbitres ont la réputation d'être des gens au dessus de tout soupçon: il s'agit de Jean Denis Bredin et de Pierre Mazeaud et jusqu'ici personne ne les met en cause. D'ailleurs - quelle défense ! - ils se justifient en disant que Pierre Estoup avait accompli l'essentiel du travail, rédigeant la quasi totalité de la sentence arbitrale. Admettons.
Seulement pour rendre une sentence arbitrale qui, au final, a dépouillé l'Etat de 400 millions (25 euros par foyer fiscal) on apprend que les trois "juges" se sont vu proposer la somme d'un million d'euros (333.333 chacun) pour quelques heures de travail, et qu'ils n'ont pas eu la pudeur sinon de renoncer à leurs émoluments (après tout ils sont largement hors du besoin et leur carrière était derrière eux) mais même pas de renoncer à une part significative de ces derniers, pour les ramener à des honoraires correspondant au temps effectivement consacré à cette affaire. Quand on sait à quel point les Jurés d'assises, qui ne peuvent refuser leur mission, sont misérablement indemnisés - souvent avec retard en outre - on ne peut que tiquer devant la comparaison des sommes en jeu.
De Pierre Estoup, vu la tournure que prennent les événements, on ne dira rien: on ne tire pas sur une ambulance. Mais c'est un bien triste clap de fin pour un Bredin, un Mazeaud, qui furent des personnalités insoupçonnables et de premier plan, respectées tant par leurs alliés que leurs adversaires quand ils faisaient de la politique active, dont on sait désormais qu'ils ont terminé comme des mercenaires hors de prix.
benjamin borghésio