Parité? D'accord, mais laquelle?

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Marisol Touraine commet dans le Huffington Post une tribune véhémente, rappelant "le long chemin qu'il reste à parcourir pour qu'on arrive enfin à la parité", et comme d'habitude dès lors que ce genre de discussion est abordée, elle met en avant des exemples de comportements sexistes que nous n'avons évidemment aucun mal à qualifier d'inadmissibles.

Citation : "C'est bien la parité en politique, mais c'est bruyant" (NB. phrase apocryphe prêtée à Sarkozy). "Ce n'est pas intéressant ce qu'elle raconte, mais au moins elle est jolie à regarder". "Êtes-vous ministre parce que vous êtes une belle femme issue de la diversité?". "C'est qui cette nana?" Ajoutons-y quelques sifflets et l'imitation mémorable d'une poule dans l'hémicycle (lien) quand une ministre en robe ou une députée prend la parole. Voici la potion magique que boivent, chaque jour, les femmes qui ont eu l'envie d'exercer des responsabilités politiques et qui y sont parvenues.

Cela dit, sans pinailler, on ajoutera que la violence verbale est hélas une des (tristes) traditions de la politique française, qu'elle ne vise pas que des femmes, loin de là. Il y a suffisamment à dire contre l'immonde Jean-Marie le Pen pour qu'on ne fasse pas de grasses allusions à son infirmité en rappelant sans cesse qu'il est borgne. Inutile non plus de parler de Vincent Placé (si odieux par ailleurs) comme de "notre petit Coréen national".

Quant aux tenues féminines qui provoqueraient des sifflements... On se scandaliserait si un homme politique se présentait à l'hémicycle ou dans un ministère autrement que vêtu d'un stric costume et portant cravate... Duflot - puisque c'est d'elle qu'il s'agit - ne fut pas sifflée pour "avoir porté une robe" mais pour en avoir choisi une très champêtre, à fleurs, pour se présenter devant la représentation nationale, cela après s'être exhibée en jeans à un conseil des ministres. Deux fâcheux manques de respect dû à la République.

Si une femme députée demandait "qui était ce mec" en entendant un petit nouveau dans l'hémicycle, personne ne parlerait de sexisme. Souvenons nous aussi de la délectable saillie de Royal, féministe s'il en est, qui ricanait grassement après avoir tenté sans succès de forcer la porte de Bayrou, en 2007, comparant ce dernier à "un amant qui aurait eu peur de la panne". Très classe, et on n'ose imaginer les réactions indignées si quelqu'un s'esbaudissait sur la frigidité réelle ou supposée de la dame... Qui à l'époque l'a taclée pour cette grossièreté sexiste inacceptable, et lui a demandé de s'en excuser?

On n'oubliera pas non plus ces femmes qui tirent justement sur la ficelle de la victimisation (Yade: "la gauche s'en prend à moi parce que je suis noire", sans aucun élément pertinent pour justifier cette assertion), ces haines recuites entre femmes politiques (Morano contre Bachelot, Yade, toujours elle, qui fit prêter à la même Bachelot cette phrase apocryphe à son sujet: "elle est femme, jeune et noire, elle est secrétaire d'état; si en plus elle était lesbienne et handicapée, on la retrouverait à Matignon"), et nous nous souvenons pour conclure de ce tweett hystérique et assassin de l'ex compagne du Président de la République contre la mère des enfants de ce dernier, qui visait à la tuer politiquement. Les femmes n'ont pas besoin des hommes pour se comporter entre elles, quand elles le veulent, en parfaites salopes.

Enfin et surtout... en quoi le fait de mettre une femme à la place d'un homme fait avancer le schmilblick si cette dernière, de par ses origines, son éducation, sa formation professionnelle, ses relations, est aussi coupée du monde des vrais gens qu'un dirigeant mâle? Qui est le plus repérsentatif?

Un élu d'origine modeste, dont les enfants ne fréquentent pas un chic cours privé mais la communale ou le collège public de son secteur, qui eut (et risque de retrouver s'il est battu) des fins de mois difficiles,  infiniment plus sensible aux difficutés rencontrées par le peuple, le vrai (dont son épouse fait partie, qui lui parlera au quotidien de ses galères liées aux transports en commun incompatibles avec les horaires de la crèche où elle doit récupérer le môme... quand le couple a obtenu une place en crèche, ce qui est rare)...

Ou une femme circulant dans une voiture avec chauffeur, bénéficiant d'une assistante dévouée et d'un abondant personnel de maison, cela de plus en plus depuis au moins trois générations? Voir la citation de l'ineffable Christine Lagarde interpellée à propos du prix du carburant, qui nous incitait en riant de bon coeur à faire plus de vélo? (avant de monter dans sa Vel Satis, pilotée par un chauffeur et accompagnnée de ses officiers de sécurité)

Voyons la nomination de l'ineffable Agnès Saal à la tête d'un organisme considérable (l'INA) où elle a débarqué en commençant par incendier la gestion surréaliste de son prédécesseur (un homme, Matthieu Gallet), en parlant de rigueur janséniste nécessaire dans la gestion, avant de dépenser sur fonds publics 40.000 euros en taxi en moins de dix mois (tout en bénéficiant d'une voiture de fonction avec chauffeur)... dont 7.000 au profit privé de son fils... détournement de fonds caractérisé qu'elle a évacué d'une pirouette ("une simple maladresse, je vais rembourser!") sans réaliser à quel point, pour le citoyen moyen, l'acte comme la "justification" ne sont en aucune manière recevables. Saal, sans nul doute une femme compétente dans certains domaines - mais pas spécialement celui de l'INA - a certainement bénéficié de la parité pour obtenir sa nomination... On voit le résultat. Cela dit, Fleur Pellerin, "femme issue de la diversité" n'a pas tremblé en exigeant sa démission immédiate, et pour sa propre part elle fait depuis sa nomination un sans faute sur le plan technique et des compétences avérées. Ministre, elle est reconnue à ce titre non pas parce que femme, non pas parce que "issue de la diversité", mais parce que qualifiée.

Certes les femmes sont des humains comme les autres et qu'elles aient toute leur place dans les sphères de décision politique ne fait pas débat: il faut y arriver.

Mais un droit octroyé et non conquis de haute lutte ou par la force de l'habitude n'en est pas un. Quand les femmes obtinrent la possibilité de voter pour la première fois en France (nous commémorons aujourd'hui le 70e anniversaire de cet événement), c'est parce que que la part éminente qu'elles prirent dans la Résistance rendait l'ordonnance du général de Gaulle incontournable (le général était plutôt mysogine, pourtant, avec son éducation rigide héritée du siècle précédent). Cette parité chabadabada se retourne contre elles... "cette élue est-elle là pour ses seules qualités et son militantisme passé, ou l'a-t-on placée à défaut, pour respecter cette fichue parité?" Voilà une question qu'on est en droit de se poser. Et quid de ce parti progressiste pourtant, coprésidé par un homme et une femme, et dont 95% des Français ignorent le nom de cette dernière qu'on ne voit et qu'on n'entend quasiment jamais?

Alors laissons tomber cette parité artificielle, établie selon le genre, pour privilégier une vraie parité sociale. Le PS qui se veut de gauche et qui de ce fait est censé défendre les classes populaires a présenté aux dernières cantonales trois candidats ouvriers. Trois, sur toute la France. Pour ma part, faisant partie du peuple, d'extraction modeste, je me sentirais infiniment mieux représenté par un candidat à mon image, et le fait que ce soit un homme ou une femme m'indiffère profondément, même si je suis et serai toujours le premier à stigmatiser un comportement sexiste avéré, tout comme je stigmatiserai des allusions antisémites, racistes, xénophobes, fondées sur le physique et toute cette sorte de choses.

benjamin borghésio