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Le blog de benjamin borghésio
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12 avril 2014

Quelle alternative au suffrage universel?

Je me suis posé la question à la suite des réactions de Fabien, lequel dans le fil des commentaires qui suivent ce billet, assimile "abstention massive" et "déni de démocratie". Sans trouver de réponse, si on veut rester dans le cadre de la démocratie représentative (la démocratie directe posant en général plus de problèmes qu'elle n'en résout)

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Quelles sont, dans une démocratie construite, les outils donnés au citoyen pour qu'il fasse entendre sa voix:

- le droit de vote bien sûr, qui s'exerce dans de multiples situations et contextes variés ;

- le droit de pétition ;

manifestation-CGT- le droit de manifestation, de grève.

Pour ce dernier, on signalera que certes "ce n'est pas la rue qui gouverne" (argument des pouvoirs en place quand ils sont contestés), mais on ne peut nier pas qu'elle constitue un indicateur précieux tant pour ce dernier, que pour le peuple lui même. Quand un projet met des millions de gens dans la rue, fût-il en passe d'être validé par la représentation nationale légitimée par les élections, un pouvoir sourd et muet prend une très lourde responsabilité: celle de casser la cohésion nationale, quand bien même les manifestants seraient minoritaires en voix exprimées dans les urnes.

Parce qu'une nation ne peut fonctionner que sur un minimum de consensus quant à ce qui apparaît comme une question essentielle, et une majorité ne peut pas tout, sous le prétexte qu'elle domine une minorité (une décision prise par 52% des électeurs, qui imposerait l'enfermement des 48% minoritaires serait-elle "démocratique"?). A contrario, appeler à la manifestation sans s'être entouré de garanties pour que les défilés soient une réussite, constituent un message fort, est irresponsable: c'est le meilleur moyen de démonétiser la cause que l'on prétend défendre.

PetitionPour le droit de pétition, il gagnerait sans nul doute à être développé, en renforçant la crédibilité de ces dernières: la légalisation de signature qui prouverait l'identité du pétitionnaire (pour éviter les petits zozos qui signent 30 fois sous trente fausses identités) ferait de ces pétitions des instruments autrement crédibles. Dans cet ordre d'idée, le remplacement du parrainage par 500 notables indispensables pour se présenter à l'élection présidentielle par la signature dûment validée de quelques dizaines de milliers d'électeurs répartis sur un certain nombre de régions serait incontestablement plus démocratique. Des personnalités qui représentent incontestablement un courant de pensée relativement répandu sont, de nos jours, en grande difficulté pour le faire (ou en sont empêchées) quand d'autres parviennent à suborner les quelques centaines de petits maires nécessaires. Besancenot ou Poutou qui auraient été empêchés de se présenter, cela aurait constitué un scandale. La candidature de Cheminade en fut un autre.

Qu'il soit clair que la pétition ne se substituera pas à la loi. Mais une pétition "réussie" doit pouvoir entraîner l'automaticité de l'ouverture d'un débat, voire le dépôt d'une proposition de loi et ensuite, les Parlementaires assumeront leur position devant leurs mandants.

Rc4hUlYH-ioIZiNwZM-dWWLPBnAEnfin... le droit de vote. Une abstention massive constitue-t-elle, comme le soutient Fabien, un déni de démocratie et si oui, comment y remédier? Tout d'abord, je signale préfèrer vivre en France, où on déplore une abstention croissante, que dans un de ces pays sans doute très démocratiques puisque la participation dépasse les 95% (avec un 100%, record absolu, obtenu par Saddam Hussein qui fut conforté par 100% des votants, y compris dans les zones kurdes et chiites où on le haïssait) pour des votes massivement positifs... (là encore, Kadhafi obtint 100% deux mois avant que son peuple ne l'étripe... Idem pour Ceaucescu)

Une réponse sous forme "casser le thermomètre pour ne pas mesurer la température": rendre le vote obligatoire. Comme les sanctions seront forcément dérisoires en cas de délit, il n'est pas certain que cela joue, sauf aux marges et cela peut pousser à voter encore davantage - pour le meilleur comme pour le pire - pour les partis extrémistes et je gage que la réaction sera la multiplication de candidatures folkloriques qui serviront de défouloir. Ferdinand Lop ressuscitera, avec ses cortèges de pro-lop et d'anti-lop qui débattront sur un programme ambitieux visant à prolonger le Boul'Mich jusqu'à la mer...Si un tel candidat obtient 20% des suffrages, la démocratie y gagnera-t-elle?

Je signale l'exemple du Brésil où quand on n'est pas en règle avec la "justice électorale" (en clair: quand on n'a pas voté) outre l'amende, on est très ennuyé: impossibilité de se présenter à un examen, de retirer une pièce d'identité, etc. jusqu'à ce que la situation soit réglée - et cette administration prend vraiment tout son temps. Eh bien malgré cela, on déplore néanmoins environ 25 à 30% d'abstention!

6a013487ae8de5970c0168e965af31970c-800wiJe ne peux que me répéter... C'est de la liberté de l'électeur de voter ou pas, et cette antienne cent fois ressassée et inscrite sur les cartes électorales "voter est un droit, c'est aussi un devoir" m'insupporte au plus au point, car elle pose le problème sur le plan de la morale, et pas des principes, de la liberté individuelle, du respect de la loi.  Au nom de quoi un électeur monarchiste, fasciste, anarchiste (entre autres) devraient-il se sentir concerné par des élections républicaines? Au nom de quoi un révolutionnaire devrait-il forcément jouer le jeu de la démocratie "bourgeoise"? Au nom de quoi un sceptique devrait-il faire semblant de croire au système? C'est là que l'Arlésienne de la prise en compte intégrale du vote blanc devrait s'imposer: elle lèverait un certain nombre d'hypothèques.

Ne pas voter est aussi une manière de s'exprimer, en l'occurrence l'abstention lors des dernières élections fut un message très clair car l'UMP, l'UDI, le FN n'ont pas progressé en voix sur le plan national. C'est le PS qui a régressé, ses électeurs ne s'étant pas dérangés. La trahison vis à vis des promesses et du discours de Hollande est sanctionnée logiquement: ses soutiens de 2012 sont restés en retrait, ils n'ont pas tourné casaque - sauf aux marges.

HDMeaux048-1Autre donnée, l'exemple de Meaux où à peu près tous les électeurs savaient par avance que les jeux étaient faits, que Copé repasserait sans mal faute d'une opposition crédible qui se construirait sur le long terme, en luttant pied à pied pendant tout le mandat - et pas pendant une campagne -  contre les effets néfastes de sa politique, en ne perdant pas sa crédibilité en l'attaquant sur les points où il est inattaquable car forcément, un maire dont les trois quarts de l'activité relèvent de la pure gestion et le quart - quand il a de la chance - des choix politiques (au sens "vie de la cité") réalise aussi des choses positives. Dans ces conditions, qu'il y ait eu 15% d'abstention de plus à Meaux qu'ailleurs n'est rien que de très normal: il est rare qu'on se dérange pour pisser dans un violon. Pour ma part, il y aurait eu ne serait-ce qu'une chance sur cent pour que la vraie gauche gagne, un risque sur mille pour que le FN gagne, que je me serais dérangé. Pour aider la première, pour combattre le second. Ce n'était pas le cas, donc je n'ai pas bougé.

Fabien: Il est sans doute plus compliqué d'interdire ou d'obliger que de faire adhérer les gens volontairement à une idée... ce qui est la méthode de manipulation la plus souvent employée (pour a peu près tout). Je maintiens le "déni de démocratie".

20090111-handsupvolsJe crois percevoir, là, un appel à plus de démocratie directe (mais peut être que j'interprète mal), or je me méfie énormément de la démocratie soi-disant directe!

Pour avoir été dans ma jeunesse passée un assez bon débatteur en amphi, je peux témoigner du pouvoir des forts en rhétorique, de ceux qui manient la dialectique - quand ce n'est pas le terrorisme intellectuel (j'ai encore honte de propos que j'ai tenus il y a quarante ans, qui ont "tué" des camarades coupables de ne pas être en accord avec moi et qui avaient moins de tchatche), comme des experts réels ou autoproclamés ("l'économiste de service" qui vous explique que rien n'est possible, et toute cette sorte de choses). Rien de plus facile que de manipuler une assemblée, de la conduire où on veut (ah! cette réplique légendaire de Fabius à une phrase de Rocard: "entre le plan et le marché, camarades, il y a le socialisme!" Ca ne voulait stricteement rien dire, mais un congrès a été gagné là-dessus, et pourtant, qui était plus capitalo-compatible que Fabius? )

Il y a une violence des mots qui serait acceptable, quand la violence physique ne l'est pas. Gagner un congrès en cassant la gueule des opposants et en les expulsant, c'est fasciste. Les ridiculiser, les écoeurer et faire en sorte qu'ils s'en aillent par eux mêmes ou a minima qu'ils n'osent pas l'ouvrir, c'est du débat. Voilà le premier obstacle à la démocratie directe.

Le second, que je résume par un exemple: ces types s'opposent-ils à l'implantation de telle ou telle usine (qui créerait des centaines d'emplois) par conviction sincère que c'est mauvais pour la société, ou par rejet des camions qui circuleront devant chez eux? Nul doute que dans la seconde hypothèse, ils trouveront tout un tas d'argumments qui relèvent de la première option!

22042009624Le  troisième: la difficulté d'organiser cette démocratie directe au delà d'un petit cénacle. Il n'y avait par exemple pas plus formellement démocratique que les réunions de cellule du parti communiste, quand il était dans sa phase stalinienne. On pouvait tout dire, râler, protester à condition que ça ne remonte que vers le haut (fédération, comité central, bureau politique, secrétariat général), lesquels faisaient la synthèse et la redescendaient vers les cellules chargées de la mettre en oeuvre. Mais que se passait-il pendant cette remontée, mystère, et toute tentative de communication latérale sans autorisation expresse de la direction visait l'accusation la plus infamante qu'il soit pour des communistes: celle de fractionnisme. (on appellait ce mode de fonctionnement le "centralisme démocratique"): chaque cellule qui contestait pouvait à bon droit se croire la seule dans cette situation, et s'en mortifier avant, paternellement qu'un cadre invite ses membres à faire leur autocritique...

02420794-photo-desirs-d-avenir-2de-editionQuatrième exemple, moins rugueux mais tout aussi pervers. La manière dont fonctionna Désir d'avenir, en 2007, avec ces assemblées extatiques chargées de faire remonter vers le haut les contributions citoyennes, où tout valait tout, où on pouvait proférer les pires des âneries et contrevérités dans l'impunité.

Là encore c'est "monté" jusqu'à sainte Ségolène qui dans ses interventions "vie des sectes" accumulait poncifs et grandes phrases ronflantes, sans jamais travailler concrètement ses dossiers. Deux mois baptisés bouillonnement foisonnant selon certains, pagaille invraisemblable selon d'autres (des milliers de courriels et de lettres restées sans réponse) avant que "le programme" ne sorte enfin... programme dont la forme d'élaboration à partir des contributions est toujours demeurée mystérieuse.

Oui, les corps intermédiaires doivent prendre le pouls de la base citoyenne mais non, on ne doit pas s'en exonérer, sous peine de sombrer dans un populisme qui peut revêtir des formes abjectes. Sinon, on gouverne selon les sondages, on ne prend pas de décisions courageuses qui peuvent être minoritaires avant de s'imposer (la peine de mort aurait-elle été abolie par une consultation citoyenne? Je doute!

L'homme d'Etat montre la voie, le politicien suit ce qu'il croit être l'opinion des masses, pensant qu'il faut s'abaisser pour se mettre à leur niveau, ce qui est la quintessence du mépris de classe: Jaurès, brillant agrégé, parlait aux mineurs de Carmaux avec un langage d'agrégé (et ils le comprenaient fort bien). De nos jours, pas un politicien qui ne se sente obligé de nous balancer des "les Français, ils veulent pas que..." quand ce n'est pas "si y'en a qu'ça les démange de..." et je n'évoque même pas le "casse-toi pauvre con!"

Mais il est des décisions fondamentales qui, normalement, imposent infiniment plus qu'un simple 50,1% des voix pour être adoptées. Il faut renouer avec la notion de majorité qualifiée.

benjamin borghésio

 

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  • Républicain, tendance "gauche jacobine". Préoccupé par les questions socio-économiques, de même que par les questions d'environnement . Amoureux du Brésil et de la Guyane. Photographe, grand lecteur, fondu de vélo.
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