Aymeric Caron, la machine à faire monter les extrémistes de tout poil.
Quand cessera-t-on dans les émissions du genre de "On n'est pas couchés" de faire représenter la tendance de gauche" par un individu qui est la quintessence du boboïsme le plus caricatural, qui vitupère sur le même registre contre Mélenchon et la peste brune, qui "assomme" de sa suffisance un Poutou coupable de n'être qu'ouvrier?
Quand cessera-t-on de promouvoir cette fausse valeur et de lui passer à peu près tout, y compris des attitudes inacceptables? Quand cessera-t-il d'avoir dès le lundi, des cire-pompes se répandant sur divers médias de la gauche caviar chargés d'assurer le service après-vente comme si son site officiel (consacré à sa gloire exclusive) ne suffisait pas à la tâche?
Des fois - c'est rare hélas car le public est bon prince avec cette engeance et Ruquier est indulgent - il se prend une rouste monumentale (la façon dont Michel Onfray, véritablement cultivé, lui, et très gros travailleur l'avait pilé restera dans les annales) mais la barque à Caron se révèle en général insubmersible et l'individu peut se permettre à peu près tout.
Il y a d'abord son végétarisme militant, proprement insupportable (non pas tant parce que Caron ne mange pas de viande, la liberté est imprescriptible), mais parce qu'il ne peut pas s'empêcher, chaque samedi soir, de diaboliser qui ne pense pas comme lui sur le sujet, d'infliger ses sempiternelles leçons de morale aux coupables, étant omnivores, de vouloir manger comme des omnivores. Avoir un morceau de steack dans son assiette est pour Caron être assimilé par extension aux aficionados de la corrida, et donc, à un criminel contre l'humanité.
Il y a eu ses différends avec Polony, la partenaire qui amène le point de vue "de droite' et qui de ce fait, depuis des semaines, ne peut plus terminer une question, aussi anodine soit-elle, sans que Caron la remette à sa place avec des correctifs, des interprétations, pour le moins intempestives et qui relèvent du machsme le plus ordinaire. Pour ma part, Polony n'est absolument pas "ma tasse de thé" mais cela ne m'empêche absolument pas de lui reconnaître un solide bon sens quand elle rappelle les drames que provoque la mondialisation débridée avec son cortège de destructions d'emplois massives, dans des secteurs qui ne concernent guère un Caron parfaitement protégé par sa carte de presse, sa "clause de conscience", le "secret de ses sources", "l'intermittence du spctacle", "les réductions d'impôts spécifiques" et toute cette sorte de choses.
Polony - c'est sur ce point que je la rejoins et elle sait de quoi elle parle pour avoir été professuer des écoles - est terriblement logique quand elle signale que la casse organisée de l'école publique interdit justement "aux masses" (dont Caron parle sans jamais les fréquenter) de s'insérer dans cette mondialisation, les hommes et femmes de pouvoir (politique ou économique) ayant le loisir d'offrir à leurs rejetons une éducation inaccessible aux fils et filles du peuple (Il y a quelques décennies, aucun homme classé à gauche n'aurait scolarisé ses enfants dans un établissement privé... Regardez de nos jours ceux qu'ils sélectionnent, quand d'aventure ils n'ont pas contourné la carte scolaire pour les faire admettre dans une de ces rares "réserves d'Indiens" préservées de la casse générale de l'instruction).
C'est, malgré ce qui nous sépare, ce qui fait de Polony une chroniqueuse autrement redoutable pour rallier les indécis qu'un Caron qui ne fédérera jamais que ses cire pompes... C'est là le fond du problème: Caron et les sbires de son espèce défendent une caste en sacrifiant délibérément le peuple à leurs intérêts, se permettant même de l'insulter quand par instinct de survie il renaude (en choisissant comme arme de défense des moyens contestables certes, mais il est amené à se tourner vers les derniers qui lui adressent la parole)
Caron fait partie de ces bobos qui somment le peuple d'accepter des sacrifices dont ils sont naturellement exonérés, le rejetant dans les rangs de la peste brune dès lors qu'il renaude: il faudrait accepter avec légèreté de voir des millions de gens basculer dans l'exclusion, sommés de "se former pour s'adapter" quand eux mêmes sont protégés de la concurrence mondiale qu'ils appellent de leurs voeux.
J'ai fait un rêve... Que les patrons de presse et de télévision aillent ouvrir des écoles de journalisme dans tous ces pays francophones où les hommes de culture ne manquent pas, et qu'ils y recrutent massivement en les payant nettement plus que ce qu'ils pourraient espérer localement, mais beaucoup moins que ce qu'ils versent en France. Un vrai mondialiste comme Caron ne devrait pas être gêné de voir sa place trustée par un Haïtien, un Roumain ou un Sénégalais... On parie qu'il hurlerait si cela survenait, quelques semaines après avoir raillé Polony et ses "fantasmes frontaliers"?
Samedi dernier, Caron s'est affronté avec Christian Jacob, "patron" des députés UMP qui n'a jamais été considéré comme une pointure, euphémisme. Jacob, c'est le bourrin, parfait apparatchik de Copé, bien entouré, qui récite des éléments de langage sans doute concoctés par Bygmalion en s'oubliant parfois dans des dérapages que l'insignifiance du personnage laisse sans grande réaction (se souvenir de son dérapage antisémite contre un Strauss-Kahn à terre d'une part, et qui à l'époque offrait suffisamment d'angles d'attaques politiques et personnelles pour qu'on ne s'abaisse pas à ce niveau). Dès aujourd'hui, les cire-pompes habituels de Caron se déchaînent pour expliquer à quel point Jacob passa un mauvais quart d'heure face à leur héros... Je me suis demandé si j'avais vu la même émission, au point de me repasser la passe d'arme! Face à un roquet hargneux, pardon de dire que Caron n'a en rien crucifié un adversaire pourtant à la main d'un bon débatteur, et quand on ajoutera le sempiternel débat sur l'insécurité - que Caron s'obstine soit à nier (il ne vit pas à la Courneuve) soit à relativiser, quelles furent ses "références" pour contester les chiffres de Jacob? Les travaux d'Alain Bauer, criminologue auto-proclamé, caution du sarkozysme triomphant, cité de manière très approximative! Prendre pour défendre le bilan de manuel Valls, quand on se veut un contempteur acharné du sarkozysme, un ami commun des deux (issu du rocardisme qui mène à tout sauf à la gauche quand on en sort) était un choix... curieux. Ricaner contre Jacob qui reconnaissait benoîtement qu'en matière de criminologie il en connaissait moins qu'un criminologue patenté, est-ce pertinent? Le Rantanplan provinois y gagna une réputation de modestie, le perçut fort bien et de ce fait accueillit le sourire aux lèvres les sarcasmes de son adversaire. Pour ma part, malgré le peu de considération que m'inspire Jacob, j'étais sorti de l'interview avec le sentiment qu'il s'était fort bien débrouillé et que les mordillements de talon de Caron l'avaient plutôt servi que desservi.
Nul doute, pour conclure, que des milliers de gens confrontés à la hausse actuelle des cambriolages et des vols avec violence - hausse qui ne fait pas débat, reconnue par Valls (sans qu'il en soit de sa faute) auront apprécié les négations de Caron.
Curieusement, personne ne relève à quel point Caron fut ridicule en face de Marcella Iacub dont le dernier livre - Oedipe Reine - semble être - comme le précédent - un torchon raccoleur faisant dans le porno hard. Cela méritait de la dérision, Caron choisit de faire de la pose (du sous Naulleau, le talent en moins). Un livre que Caron "a détesté", asséna-t-il dès le début (procédé quelque peu ayatollesque: on préférerait un argumentaire suivi d'une sentence, à l'énonciation d'une fatwa). "C'est complaisant, les scènes de sexe c'est ennuyeux, j'ai eu l'impression de tomber sur la transcription en livre d'un mauvais film érotique d'une chaîne de la TNT". Seulement Iacub n'est pas née de la dernière pluie, et ce n'est pas (quoiqu'on pense d'elle) une adversaire facile. A l'invective elle a répondu par l'ironie... expliquant, sourire aux lèvres, que son livre était sans doute plus pour les femmes, car elle y parle de la jouissance féminine "c'est quelque chose qui est, peut-être, inconnu pour vous". Il fallait voir la tête de notre play-boy à ce moment... Hilarant, surtout que Ruquier s'en est bien moqué : "il est furieux car vous l'avez traité de... peine à faire jouir". Balle de match pour Polony qui n'a pas besoin d'étaler sa suffisance:"c'est curieux qu'il n'y ait pas de mots pour dire ça alors que c'est une banalité tellement répandue".
Enfin... j'ai été ahuri que personne n'ait relevé une phrase "anodine" de notre Penseur du samedi soir. "Je suis contre toute violence physique" (silence) "mais je ne suis pas opposé à la violence des mots, vous l'aurez compris"
En clair, Caron légitime la violence... Pour peu qu'elle se situe sur un terrain où, en principe, par sa formation, son métier et l'expérience qu'il lui a conférée, il bénéficie d'une supériorité absolue. Combattre oui, "tuer" l'autre, oui, mais sans subir de risque, en choisissant ses armes et son terrain de bataille. Un plouc raillé des heures durant par Caron et qui pèterait un câble en le menaçant physiquement sera une incarnation de la bête immonde, mais Caron qui l'aurait socialement tué par ses railleries devant des millions de téléspectateur demeurerait l'arbitre des élégances germanopratines. L'histoire recèle suffisamment d'exemples de destructions d'individus opérées par de seuls mots (qui, par délégation, entraîneront parfois des passages à la destruction physique commise par des nervis que bien entendu on s'empressera de condamner d'un air compassé) pour qu'on voie à quelle point ce type est un terroriste de la pensée... dont nous ne sommes protégés que par sa médiocrité.
benjamin borghésio