Autisme (suite) et analyse d'un "foutage de gueule".

Hollande cherche-t-il à créer une situation à l'ukrainienne, avec des Champs-Elysées remplis de centaines de milliers de révoltés dont une bonne part émanant de la peste brune, armés et décidés à se servir de leurs armes devant des forces de l'ordre noyautées par l'opposition qui ne feront guère de zèle, tant il donne dans la provocation en prenant ses électeurs, les électeurs en général pour des imbéciles?

L'analyse de la Berezina des Municipales est pourtant simple à effectuer, elle tient en quelques points essentiels.

L'UMP n'a pas à pavoiser... Son succès incontestable est dû pour l'essentiel à l'abstention massive du peuple de gauche, qui n'a (un peu) résisté que là où il est incarné par la gauche néo-lib et bobo. La preuve en est que Paris, Lyon, Strasbourg, Dijon, Rennes, Nantes et d'autres villes de cet ordre sont conservées (Toulouse, gagnée de très peu en 2008 est perdue de peu en 2014... surtout à cause de l'abstention énorme dans tous les quartiers populaires). Ce sont des villes populaires qui ont basculé, telles Bobigny!

Terra Nova avait théorisé l'abandon de ces classes sous le prétexte fétide qu'elles votaient peu ou pas, au profit des bobos et des jeunes issus de l'immigration (ces derniers n'ayant guère bougé, contrairement à leur action de 2012 quand ils ont voulu larguer Sarkozy qui les avait insultés dix années de suite). Même à Paris, Hidalgo n'a pas à pavoiser tant son adversaire a été torpillée par son propre camp (listes dissidente, pollution par les Tibéri, attaques fielleuses de Goasguen, etc.)

EELV. Notons qu'une coalition hétéroclite rassemblant des bobos autour des Verts, dont je pense qu'elle volera vite en éclat, a bien conquis Grenoble contre le maire sortant mais en revanche, six années sous la houlette de Voynet ont convaincu les habitants de Montreuil de revenir à des solutions plus réalistes... ceci équilibre à peu près cela.

Ailleurs, l'UMP a gagné en sièges, sans discussion possible, mais avec un nombre de voix peu ou prou équivalent à ce qu'elle avait récoltée en 2008, année de sa grande déculottée. Bygmalion se retrouvera avec une flopée de marchés fructueux, pour "former" (à prix d'or) les nouveaux édiles de la bande à Copé...

Quelques exceptions notables comme celle de Juppé qui se retrouve dans la position du vieux sage (qui se souvient du psychorigide "droit dans ses bottes" de 1995?) qui surpassent nettement ce résultat, sinon rien de transcendant en voix, si la pêche aux sièges, du fait de l'énorme abstention de gauche, fut florissante. Il est à noter, curieusement, que ses dirigeants pourtant toujours prompts à faire le procès en illégitimité "naturelle" de quiconque occupe un pouvoir sans procéder d'eux, sont fort timides, ne réclament absolument pas une alternance avancée, préférant manifestement que le "sale boulot" soit fait par les autres avant qu'ils ne reviennent aux affaires.

(à gauche: le peuple, forcément méprisable, tel que l'imaginent les bobos). Les classes populaires que la gauche, si elle n'avait pas perdu son honneur, aurait dû défendre envers et contre tout, sans calcul politicien ou électoraliste, se sont abstenues ou pire, ont voté brun (non pas que le FN lui ait présenté des solutions fiables, non pas que ses équipes aient été crédibles - on a eu des tas d'exemples de constitutions de listes plus ou moins fokloriques, avec des morts ou des gens inscrits sans qu'ils le sachent - mais parce que c'était le seul parti à leur parler).

Le divorce entre "peuple" et "socialistes" est consommé et les remariages sont rares, toujours issus d'un processus laborieux.

Autre donnée à prendre en compte: le parti socialiste n'avait depuis des lustres quasiment plus de vrais militants purs et durs, étant devenu un rassemblement d'apparatchiks, composé pour l'essentiel d'élus locaux et de leurs collaborateurs de cabinets. Les électeurs lui ayant infligé un véritable plan social de grande ampleur, ces gens coupés des réalités du terrain se retrouvent au chômage du jour au lendemain et de ce fait, dans le contexte actuel, ils seront plus occupés à surnager personnellement qu'à repartir à l'écoute d'un électorat dont ils se sont coupés des années durant (cas le plus emblématique: Poignant, l'ami et le "conseiller" du Président, qui a perdu l'imperdable Quimper sur un score humiliant parce que préférant politicailler à l'Elysée que revenir sur le terrain, au moins pendant le dramatique épisode des inondations dans la région). La reconquête se fera donc (si elle doit se faire) sans personnel et avec un budget réduit aux acquets.

Devant ce Waterloo provoqué par une censure du peuple de gauche, Hollande répond en virant Ayrault pour le remplacer par Valls, le plus droitier des "socialistes" (qui pesait 5% du parti), en lui enjoignant des missions totalement antagonistes, après avoir lancé le sempiternel "nous avons entendu le message" (message qui ne datait pas du jour des élections!):

1 - Satisfaire aux diktats de Bruxelles (donc, serrer encore plus la vis)

2 - Réduire les impôts et taxes, donc les recettes (contradictoire avec le point 1)

3 - Maintenir le "pacte de responsabilité" dont on parle depuis des mois sans le voir venir, c'est à dire économiser 50 milliards sans engagement formel du patronat (voir ce qu'on a dit à cet égard, lien)

4 -  Instiller enfin un minimum de justice sociale, en abaissant les charges salariales payées par ceux qui travaillent... Mais comme les régimes sont en déficit et qu'on ne prévoit pas de nouvelles sources de financement, à supposer que cela se fasse, ce sera forcément au détriment des indeminités, allocations, pensions, remboursements divers (Déjà, vos lunettes vous coûteront beaucoup plus cher et l'accord scélérat qu'Aubry a signé avec EELV - cette bande de rats a quitté le navire après avoir engrangé - fera grimper en flèche le prix du gaz et de l'électricité, de 5 à 10% par an).

Quadrature du cercle donc engagements impossibles à tenir, donc foutage de gueule, et le discours sur "la pédagogie nécessaire" ne prend plus: quand on se fait entuber, on n'a pas besoin de discours pour le comprendre. Et l'alliance improbable entre le sarko-compatible Valls d'une part, la "gauche" du PS d'autre part, ne fait qu'ajouter à la confusion.

Ajoutons ces banalités qu'on entend depuis des lustres, après chaque déculottée électorale, sur le besoin, "devant la gravité de la situation, de constituer une équipe resserrée et plus professionnelle". La situation découverte en 2012 étant aussi grave, on comprend mal pourquoi on n'avait pas commencé par là au lieu de concocter cette armée mexicaine dont une bonne part des membres étaient aussi suffisants qu'insuffisants. Mais Hollande qui n'assista de sa vie à aucun conseil des ministres avait choisi comme chef de gouvernement un homme dans cette situation, confondant "gouvernement de la France" et "secrétariat national du PS": de cette situation comme de son refus d'écouter le pays en profondeur, la catastrophe est la résultante logique.

Notons qu'on déplorera encore des erreurs de casting manifeste, qu'il est à peu près sûr que dans cette équipe "resserrée", se glisseront un ou plusieurs truands comme Cahuzac, menteuses comme Benguigui, inconsistants comme Cuvellier ou Bricq, puisqu'une fois de plus nos dirigeants sont pris de cette frénésie qui les pousse à composer un gouvernement en 24 ou 48h, ce qui démontre qu'il n'y a aucune discussion de fond (on se réunit pour faire quoi, concrètement?). On ne considère que rarement l'Allemagne comme un modèle sur ce blog, mais outre-Rhin on discute des semaines durant sur un programme minutieux et la répartition des rôles se fait ensuite naturellement, les nocifs étant de surcroît débarqués en 48h au moindre soupçon. De ce fait, la machine à gouverner, qui "redresse le pays" en fabriquant des millions de nouveaux pauvres et précaires, ne va pas dans la bonne direction, Mais elle tourne rond, de manière efficace.

Prochain rendez-vous: les européennes. Parions que le discours sera le même, après une déculottée similaire. Et que celle-ci empêchera sans doute les forces non pas de gauche (n'exagérons pas) mais pas issues de la droite la plus bornée, d'envoyer une majorité un peu moins obtuse au Parlement européen, de permettre de recentrer la Commission de Bruxelles: Hollande continuera, bien obligé, de faire le teckel nain devant les gnomes et Merkel... 

benjamin borghésio