Ils sont autistes...
(On fait référence à la classe politique dans sa quasi totalité, comme à la caste des journalistes qui à force de cultiver l'entre-soi, ont définitivement coupé les ponts avec le peuple: avant d'éditorialiser et de commenter il faut informer et pour cela il faut d'abord s'informer)
De quoi a-t-on parlé pendant presque toute la soirée électorale? De quoi parle-t-on depuis l'aube? Du "remaniement"... Qui ne peut sérieusement affirmer qu'à l'exception de militants bornés incapables de sortir de leur bulle, les Français, n'ont strictement rien à battre de savoir s'il faut changer de premier ministre, s'il faut une "équipe plus resserrée", s'il faut modifier aux marges le dosage "subtil" entre le PS et ses alliés, les diverses tendances du PS etc?
La vérité, c'est que le type qui nous expliquait en 2012 que "son ennemi, c'était la finance" prévoit un plan de cadeaux sans aucune contrepartie aux grandes entreprises, pour un montant colossal de 50 milliards d'euros (ce que la droite la plus dure n'a jamais osé entreprendre), qu'il s'est refusé à jouer "franco" en dévoilant son pacte de responsabilité avant l'échéance électorale pour que l'électeur sache à quoi s'en tenir. Politique aux antipodes de ce qu'il avait promis et qui de toute manière ne satisfera pas plus ceux qui ne l'ont pas choisi en 2012 que ses électeurs. Il pouvait :
1 - S'en tenir à ses engagements de campage, à savoir instiller plus de justice sociale, ne pas hésiter à entrer en conflit avec les instances européennes et Berlin pour que l'UE cesse de n'être qu'une instance coercitive, punitive, génératrice de marasme, d'austérité sans résultat de précarité, d'appauvrissement et de chômage non maîtrisé (même en Allemagne: ce pays ne s'est "redressé" qu'en fabriquant 15% de pauvres, et ce n'est que sa démographie calamiteuse qui le met à l'abri d'un chômage substantiel). Il a préféré, comme son prédécessur, collaborer, se coucher devant Merkel et Bruxelles, par peur des "marchés". On signalera pour la forme que l'Italie dont l'endettement est très supérieur à celui de la France et dont les problèmes structurels sont autrement graves vient de tourner résolument la page de l'austérité qui fait que le malade meurt guéri, sans que "les marchés" s'émeuvent outre mesure. On a décidé de relancer, là-bas, et on a raison. Comme d'habitude, Normalou a choisi de... ne pas choisir, de ne pas assumer ses perpétuels atermoiements, demi-mesures, et le décalage de son discours et de ses actes, les hypocrisies de langage ne trompent personne (hausse de taxes, gel de pensions de retraite baptisés "mesure techniques" comme si leurs victimes étaient des crétins)
Pour cela, sortir de ce corps de politicien médiocre, jouer le jeu qu'il nous avait promis et infléchir nettement à gauche, non pas en nous gavant de sociétalisme (les Français n'ont pas, en temps de crise aiguë, ces préoccupations de bobos coupés des réalités) mais en mettant en oeuvre une politique économique et sociale volontariste, en déclarant la guerre aux gnomes de Bruxelles et à leurs obsessions comptables, en tapant enfin du poing sur la table face à Merkel, au nom de tous les pays saignés à blanc pour le seul profil de l'Allemagne et de ses vassaux. C'est de ça qu'il devrait nous parler très vite, et pas de l'instillation d'un peu plus ou moins de vert, de rose, de rouge dans un gouvernement composé comme un bureau national de parti politique - ce qui n'est pas la meilleure configuration pour gouverner un pays. Au pacte de responsabilité, seul cadeau fait sans contrepartie à un grand patronat qui ne profiterait de ses avantages que pour augmenter les dividendes versés, il faut substituer un pacte social et si les socialistes sont encore des gens de gauche, si Hollande ne le fait pas, qu'ils aient les c... de refuser de voter la confiance au Parlement.
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2 - Considérer envers et contre tous que la seule solution était celle qui est mise en oeuvre en donnant des détails sur ce qui nous attend, détails assortis d'un discours churchillien promettant du sang, de la sueur et des larmes en fixant un cap et un objectif clairs (pas une vague synthèse de diverses synthèses mâtinée de tactique politicienne).
Mais dans ces conditions, ce n'est pas en plaçant à Matignon un Valls qui est socialiste à peu près comme je suis carmélite qu'il reprendra la main. Ce type est détesté à gauche, et on comprend mal que Hollande lui ait donné tant de visibilité vu son score aux primaires (5%) et la multiplication les couacs et les appels du pied au camp d'en face pour exister... (sans que ce camp lui en sache gré) Dans ces conditions, autant faire appel directement à la droite! Pour faire la politique de la droite ultra libérale, le meilleur casting est encore le personnel de droite ultra libérale (qui d'ailleurs hier, sur les différents plateaux, ne réclamait rien et surtout pas des élections anticipées, trop heureuse de voir des sociaux-traitres faire le sale boulot qu'elle n'aura ainsi pas à endosser).
Dans cette hypothèse, qu'il dissolve l'Assemblée en reconnaissant s'être trompé ou avoir trompé le peuple, se transforme en Reine d'Angleterre et laisse agir ceux que les élections auront désignés. Le PS éventuellement allié à la vraie gauche aura alors trois ans (au moins) pour se préparer à une reprise éventuelle du pouvoir (à condition de travailler sur un projet et de gauche et fiable, pas sur un casting comme il le fit lors des primaires).
On peut rêver en pensant qu'une telle cohabitation permettrait à Hollande de rebondir comme le fit Mitterrand entre 1986 et 1988... Sauf qu'il n'est pas Mitterrand, et que le meilleur service qu'il pourrait rendre à son pays tout comme à ses amis serait de s'effacer, de se cantonner à un simple rôle de représentation. On lui fera crédit: il fera sans doute un peu moins mal que Lebrun en 1940 ou Coty en 1958 et en 2017, il pourra se consacrer de nouveau à sa Corrèze d'adoption si d'aventure elle veut encore de lui. Avant lui, dans ce coin, un politicien fit toute sa carrière sur le slogan: "il n'est pas de problème qu'une absence de solution ne soit à même de résoudre": Hollande digne successeur du petit père Queuille, à la rigueur.
En clair, on demande à Hollande de cesser de louvoyer, de magouiller, de faire du bonneteau avec le personnel politique au lieu de gouverner et de tenir ses engagements. Autant demander à une huitre de sauter à la perche.
On lui a su gré de nous avoir aidés à se débarrasser d'un malfaisant parmi les pires des malfaisants, en 2012. On ne lui pardonnera pas de favoriser le retour éventuel du dit malfaisant par ses inconséquences et sa nullité.
benjamin borghésio
Edition à 20h 50. C'est confirmé: le peuple de gauche a exprimé sa colère en n'allant pas voter, voire en votant "en face". La leçon qu'en tire Hollande? Nommer à Matignon le "socialiste" le plus minoritaire (5% aux primaires) parfaitement sarko-compatible, naturalisé de fraîche date donc que son passé devrait pousser à être impeccable sur ce registre et qui tient pourtant un discours xénophobe, dont les thèses économiques sont aux antipodes de ce qu'on attend d'un homme de gauche. Hollande "a compris le message", nous dit-il. C'est un putsch, qu'il recherche?