Une autre brève sur l'Ukraine...

(voir ici) Quand la France intervient massivement en Côte d'ivoire "pour protéger ses ressortissants" (avant d'intervenir de nouveau pour installer son favori au pouvoir), c'est bien.

Quand les Russes, par quelques avertissements, interviennent pour rassurer les millions de Russophones que le pouvoir de Kiev avait brimés de façon gratuite (par exemple, avec la suppression de l'enseignement de la langue russe en seconde position), c'est mal. (Idem, souvenons nous du précédent géorgien, avec Saakatchvili qui entreprit de "libérer les Ossètes" en les bombardant sans avertissement. Là encore on a fait de ce type un héros du monde libre - voyons de nos jours ce que ses compatriotes en pensent - et l'Ossétie est définitivement rattachée à la Russie, ce dont ne se plaint pas l'immense majorité de sa population. Mais le déclenchement des hostilités par la Géorgie a évidemment déstabilisé la région, et entraîné des déplacements de population qui vivaient jusqu'ici dans une harmonie relative.

Les relations entre la Russie et l'Ukraine sont plus que millénaires (le berceau de l'empire russe, d'ailleurs, c'est... l'Ukraine). Les deux pays sont frontaliers, quand il y a des milliers de kilomètres entre la France et la Côte d'ivoire, unies seulement par un siècle d'assujétion de la seconde à la première, dans un cadre colonial (je poursuis ma comparaisan initiale).

La Crimée est historiquement russe, elle ne fut rattachée à l'Ukraine que par commodité administrative et par Kroutchev, à une époque où les républiques de l'URSS disposaient de fort peu d'autonomie. Et c'est cet ivrogne abruti de Eltsine qui, quand il brada les périphéries de la Russie, fit cadeau de la Crimée à une Ukraine qui ne la demandait même pas, privant les Russes d'un point d'appui maritime essentiel et laissant même à l'Ukraine naissante, en pleine anarchie, des centaines de têtes nucléaires qui donnèrent des sueurs froides au monde entier, des mois durant, avant qu'on organisât (contre des concessions économiques très substantielles) leur destruction contrôlée ou leur retour en Russie où au moins on savait qu'un oligarque ne les revendrait pas à un groupe terroriste.

Partout dans l'est russophone, des manifestations monstres témoignent de la défiance de la population contre les nouveaux maîtres de Kiev dont on voit surtout, comme soutiens, les groupes néo-nazis à l'oeuvre même s'il serait malhonnête de dire qu'ils constituent l'ensemble des forces qui les soutiennent. On regrettera simplement que ce dernier ne s'en distancie pas catégoriquement, et que tant les USA que l'Europe et l'OTAN, si actifs, ne se préoccupent pas de cet aspect des choses. Prendre pour des défenseurs de la liberté les adeptes du salut "bras tendu" et du port de brassards tous dérivés de la croix gammée, c'est quelque peu abusif.

Pour le reste, le "pouvoir" de Kiev n'a aucun moyen, aucune légitimité, pour asservir les Russophones (qui fournissent en outre l'essentiel du PIB).

Dans ces conditions et sauf à considérer que l'Otan déclarera la guerre à la Russie, la pire des solutions diplomatiques serait d'encourager ce pouvoir à montrer ses petits bras musclés (il rappelle ses réservistes!) contre la moitié la plus riche du pays appuyée par la Russie, alors même que les défections se multiplient à l'Est - y compris dans les forces armées: le navire amiral de la flotte ukrainienne aurait hissé le drapeau russe et si les Ukrainiens persistent à déployer - ce qu'ils font - leurs frégates anti sous-marines devant Sébastopol, symbole séculaire de l'héroïsme russe, la guerre sera effective d'ici peu et je ne donne pas cher de la peau de ces bâtiments et de leurs équipages.

Il n'est absolument pas question de faire de Poutine ce qu'il n'est pas. Les réserves exprimées vis à vis du bonhomme demeurent, mais répétons le: Obama tolèrerait-il un tel gigantesque bordel sur sa frontière canadienne ou sur sa frontière mexicaine? Les appels à "reconsidérer le G8 prévu en juin à Sotchi" sont grotesques... Rappelons ce que disait Mandela: "c'est avec les adversaires qu'il faut discuter, pour trouver la paix"... il est clair que rien ne se fera sans les russes aux frontières de la Russie. Et souvenons-nous que malgré la tension actuelle, nous recevons toujours du gaz russe au prix du marché, tout comme en reçoit encore l'Ukraine (au quart du prix mondial)... Ukraine qui se fait belliqueuse et qui a froidement annoncé qu'elle n'avait pas les moyens de le payer!.

La France avait là encore une opportunité de retrouver une part de sa singularité diplomatique, qui faisait de nous un pays nettement plus respecté et apprécié sur la scène internationale que ne l'aurait dictée la seule logique économique. Hollande a choisi de persévérer dans l'asservissement aux USA via l'OTAN, ajoutant la veulerie devant l'Allemagne qui au bout de compte ne fera que ce que lui dictent ses intérêts: conserver un approvisionnement en gaz satisfaisant, capter un marché et des travailleurs "très low cost" à l'est pour pallier sa démographie défaillante.

benjamin borghésio

EDITION à 19h

A peine nommé, le commandant en chef de la marine ukrainienne change de camp. L'amiral Denis Berezovski a annoncé dimanche qu'il prêtait allégeance aux autorités prorusses de Crimée au cours d'une conférence de presse à l'état-major de la flotte russe à Sébastopol. Denis Berezovski avait été nommé vendredi à la tête de la marine ukrainienne par le président par intérim Olexandre Tourtchinov.

C'est dire le sérieux de ce pouvoir de Kiev, et sa légitimité dans l'est du pays!

Questions.

La France laisserait-elle sans réagir Djibouti ou la Guyane tomber dans des mains étrangères? Et que dire des USA, avec Diego Garcia ou même... Guantanamo située à une extrémité de Cuba? Dans ces conditions, est-il étonnant que les russes défendent Sébastopol?