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Le blog de benjamin borghésio
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13 août 2013

Des libérations obligées de délinquants...

Suite à une grave négligence de l'ancien Garde des Sceaux, Dominique Perben. Ca fait désordre.

 

481724_sans-titreAu pouvoir sans interruption entre 2002 et 2012, la droite a fait voter au moins une trentaine de lois sécuritaires dans ce laps de temps (on se souvient de la démarche quasiment pavlovienne de Sarkozy: un fait divers = une loi). Le problème, c'est qu'elle a oublié de présenter au Parlement des textes essentiels et on se retrouve obligé de libérer des coupables, pour une question de droit.

A l'origine de ces libérations de gens reconnus coupables de délits parfois graves et dont le jugement définitif est cassé par carence, une modification des textes qui régissent la prescription en incluant dans la liste des actes qui reculent sa prise en compte des actions émanant du Juge d'application des peines. La prescription est le délai à partir duquel, si la justice n'a pas exercé d'acte visant à nourrir un dossier, à rechercher concrètement les auteurs d'un crime ou d'un délit, à faire exécuter une peine prononcée, aucune action n'est plus possible. Dans la majorité des cas: de trois à cinq années pour un délit ; dix ans pour un crime. On signalera l'opiniâtreté de certains juges d'instruction sensibilisés par une affaire particulièrement douloureuse, qui rédigent un acte neuf ans et dix mois après la constatation d'un crime dont l'auteur est inconnu - acte anodin qui ne fait pas avancer l'enquête mais qui repousse de dix ans la prescription (cela permit de retrouver et de condamner vingt-cinq ans après les faits un assassin qui avait violé une gamine: entre temps, l'ADN donna aux enquêteurs des possibilités inconnues à l'époque).

220px-Corpus_Iuris_Civilis_02A ceux qui assimilent prescription et laxisme, on signalera que cette disposition était déjà contenue dans le droit romain et fut reprise dans les codes édictés par Napoléon: il est quelque peu hasardeux de considérer les Romains, puis l'Empereur, comme de dangereux laxistes. La justice considère avec sagesse la plupart du temps qu'un dossier sans résultat après un délai interminable doit être clos, d'une part parce qu'il y a peu de chances que le coupable soit trouvé si tard, d'autre part parce qu'il y a peu de sens à faire exécuter une peine dix, vingt, trente, quarante ans après les faits à un auteur qui souvent a refait totalement sa vie et a tourné la page. En droit français, seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles.

Perben a voulu aménager les dispositions du code pour faire reculer le délai de prescription dans certains cas (démarche concevable, qu'on l'approuve ou non). Les dispositions qu'il prit après proposition de son bureau des affaire criminelles ont donné lieu à la rédaction de décrets, ce qui a interpellé un certain nombre d'avocats et de magistrats. Sollicitée, la plus haute instance judiciaire française, la Cour de cassation, a très nettement spécifié que seule la loi pouvait modifier les règles de prescription. Il n'y avait qu'à reprendre in fine l'intitulé des décrets, les soumettre au Parlement selon la procédure d'urgence, et le problème était réglé... L'UMP ne l'a jamais fait! (Elle préférait par exemple disserter pour amuser la galerie par des lois de circonstance inutiles comme celle qui permettait de supprimer les allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire... Dispositif jamais abrogé qui existe depuis la création de ces allocations!)

 

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De ce fait, on doit réexaminer en 2013 les situations de 3.499 condamnés susceptibles d'être concernées par les décisions de la Cour de cassation (vendredi dernier, 1784 dossiers ont été traités) et 14 personnes ont dû être mises en liberté, "quatorze autres condamnés ont pu être maintenus sous écrou (en détention) pour purger d'autres peines d'emprisonnement", selon le ministère. Pire: des délinquants effectivement coupables mais qui ont été incarcérés illégalement (délai de prescription non respecté) seront en droit de réclamer - et obtiendront - une indemnité pour le temps passé à tort derrière les barreaux.

Quelques uns des délits dont il est question : "violences sur conjoint, vol aggravé, abus de confiance, falsification de chèques et usage de chèques falsifiés, conduite en état d'ébriété, vol avec violence, recel, extorsion avec violence, vol en réunion, faux et usage de fausses plaques, menace ou acte d'intimidation, trafic de stupéfiants, usage de stupéfiants, refus de se soumettre aux vérifications relatives à l'état alcoolique, refus de se soumettre aux prises d'empreintes digitales et de photographies, conduite sans permis".

article_photo_1224574629700-1-0Certes, on peut se poser la question de la morale de cette histoire et estimer un peu vite que puisqu'ils sont coupables, prescription ou pas, ils doivent rester en prison. Seulement nous sommes dans un état de droit et si on commence à ne pas respecter les institutions et les garanties judiciaires, on sait quand ce genre de dérive commence, jamais quand ça se termine - sans compter qu'on sera condamné immanquablement au niveau de la CEDH.

Pour conclure: avec cette affaire, l'UMP est mal placée pour délivrer des brevets d'incompétence et de laxisme.

benjamin borghésio

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  • Républicain, tendance "gauche jacobine". Préoccupé par les questions socio-économiques, de même que par les questions d'environnement . Amoureux du Brésil et de la Guyane. Photographe, grand lecteur, fondu de vélo.
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