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Le blog de benjamin borghésio
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25 juillet 2013

Balladur sur la sellette... A quoi bon?

 

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Lien: M. Balladur soupçonné d'avoir détourné les fonds spéciaux de Matignon. (lemonde.fr)

EXTRAITS

Pour Edouard Balladur, le spectre de la Cour de justice de la République (CJR) se rapproche inexorablement. En délivrant, le 18 juillet, un réquisitoire supplétif pour "détournement de fonds publics" et "recel" aux juges chargés du volet financier de l'affaire de Karachi, Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, le parquet de Paris a conforté les soupçons de malversations entourant le financement, en 1995, de la campagne présidentielle de l'ancien premier ministre. Nicolas Bazire, l'ex-directeur de son cabinet à Matignon, qui dirigea aussi sa campagne, est déjà poursuivi dans ce dossier.

Le délit de "détournement de fonds publics", dont sont désormais saisis les juges, vise le recours, par le premier ministre-candidat, aux fonds secrets, qui auraient abondé de manière illicite sa campagne présidentielle. Le réquisitoire du parquet répondait à une ordonnance du 26 juin des juges. Outre les fonds spéciaux, la campagne de M. Balladur aurait également bénéficié de "rétrocommissions" issues de ventes d'armes fin 1994 au Pakistan et à l'Arabie saoudite.

AVEUX TARDIFS DE L'INTERMÉDIAIRE ZIAD TAKIEDDINE

Homme-clé du dossier, l'intermédiaire Ziad Takieddine, écroué le 31 mai, a réitéré les 5 et 8 juillet ses accusations de financement illicite. Les juges viennent de lui accorder sa remise en liberté contre une caution de 4,3 millions d'euros.

Les aveux – tardifs – de l'intermédiaire Ziad Takieddine, reconnaissant avoir reversé aux proches de M. Balladur une partie des sommes perçues en marge de la vente, fin 1994, de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie saoudite, s'ajoutant aux témoignages attestant le recours illicite aux fonds spéciaux pour subvenir aux dépenses de la campagne du premier ministre en 1995, les magistrats instructeurs ne devraient donc avoir d'autre choix, à la rentrée, que de se dessaisir au profit de la Cour de justice de la République (CJR). Cette juridiction est en effet la seule habilitée à enquêter – puis, le cas échéant, juger et condamner – sur un ministre pour des faits commis dans l'exercice de ses fonctions.
/...
Depuis son déclenchement, fin 2010, l'enquête des juges Van Ruymbeke et Le Loire a accumulé les documents et témoignages accréditant l'utilisation par l'équipe de M. Balladur, lors de la campagne présidentielle, de ces fameux fonds "secrets" mis à la disposition des ministres, dont le gouvernement de Lionel Jospin décida la suppression en 2001.
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Concernant l'origine de ces fonds, l'ancien trésorier avait confié : "Je garde en tête la phrase plusieurs fois publiquement prononcée par M. Balladur : 'J'ai utilisé tous les moyens légaux qui étaient à ma disposition'." En clair, il s'agissait selon M. Galy-Dejean de fonds spéciaux.
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Autre témoignage gênant pour M. Balladur, celui de l'ancien chauffeur de M. Galy-Dejean. Jean-Louis le Guevel a déclaré à la police, le 19 mars, s'être rendu début 1995 à Matignon chercher des fonds secrets. "Nous sommes rentrés par l'accès livraisons de Matignon. J'ai garé la voiture en marche arrière, devant l'entrée de service, à l'abri des regards. M. Galy-Dejean et [son assistant] M. Alexandre Galdin (...) sont restés à Matignon environ une demi-heure. Ils sont sortis et, je m'en souviens précisément, avec quatre sacs en jute provenant de la Banque de France (...). J'ai tout. de suite compris qu'ils venaient de récupérer une somme d'argent à Matignon et que c'était pour la campagne de M. Balladur."

Un récit qualifié de "faux" devant les policiers par M. Galdin, qui a toutefois fait part de ses doutes sur l'arrivée de fortes sommes en liquide sur le compte de campagne. M. Balladur, lui, a toujours nié tout financement illicite : le 28 avril 2010, il avait affirmé devant une mission d'information parlementaire que la plupart des fonds en espèces dont sa campagne bénéficia avaient été recueillis "lors de centaines de meetings", auprès "des militants, des sympathisants", via notamment la vente de pin's et autres t-shirts à sa gloire...

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Pourquoi ce "A quoi bon"?

Il y a deux volets dans cette affaire de financement de la campagne de Balladur: celui des fonds secrets ; celui du scandale des rétrocommissions liées à la vente de sous-marins au Pakistan.

Examinons l'emploi des fonds secrets dans le contexte de l'époque. Ils étaient administrés par Matignon selon une procédure immuable depuis le début de la Ve République: leur ventilation, d'abord pour financer certaines opérations des services secrets dont il est aisé de comprendre qu'elles ne doivent pas apparaître dans la comptabilité publique, ensuite vers les cabinets ministériels. Une fraction servait à verser des compléments de salaire à des personnels qu'il était impossible de rétribuer convenablement à hauteur de leurs compétences de leurs responsablilités et de leur charge de travail, rigidité de la fonction publique aidant.

Pour le reste, c'était à discrétion de l'exécutif. Rien, absolument rien dans la législation ne pouvait interdire au pouvoir d'user des fonds spéciaux pour des opérations... hétérodoxes, on va dire. C'est ainsi que tel haut dignitaire du mouvement gaulliste qui s'opposa farouchement au putsch chiraquien de 1974 se vit frappé de la main gauche d'un contrôle fiscal implacable (il avait "oublié" de payer ses impôts depuis des années) et se vit proposer de la main droite, en billets de 500F dont les numéros se suivaient, le montant très largement arrondi de ce que le Trésor lui réclamait. Que croyez-vous qu'il fit, contre Chirac?*

Le seul garde fou était une comptabilité mensuelle visée par le directeur de cabinet de Matignon, qui s'assurait que les fonds avaient bien été ventilés selon les instructions du Premier Ministre. Une fois que c'était vérifié, le document était brûlé.

* Je suis sûr que des opérations de ce genre ont aussi bénéficié aux socialistes et à leurs alliés. Je n'oublie pas que Rocard a gouverné sans majorité absolue pendant trois ans, qu'il a dû affronter une dizaine de motions de censure et qu'à chacune, quelques députés "de l'opposition", souvent de l'Outre-Mer, avaient une bonne raison de ne pas la voter.

En foi de quoi, aussi immoral que ce soit, Balladur n'aura qu'à dire à la Cour de Justice de la République que le financement de sa campagne sur les fonds secrets relevaient de sa décision, prise dans l'intérêt de la France. On sera scandalisé, écoeuré, mais on acquittera le premier ministre de l'époque car aucune loi n'interdisait de pratiquer ainsi, jusqu'à ce que Jospin mette un terme à cette pratique (et dans un état de droit, on ne condamne que les gens qui ont contrevenu à une ou plusieurs lois). Opportunité de signaler que si des décisions prises par Bérégovoy prêtent à controverse au niveau de l'éthique (par exemple, son soutien inconditionnel et guère compréhensible à Tapie), il fut singulièrement naïf de ne pas piocher dans la tirelire auquel il eut accès pendant dix ans, comme secrétaire général de l'Elysée, puis ministre éminent, puis premier ministre, pour soutirer 2.000 billets de 500F (ce qui lui manqua pour acheter son appartement, somme qu'il emprunta à Pelat) 

 

actu-monde-Bus-attentat-KarachiLe Karachigate. Là, c'est autrement corsé, car on parle de rétrocommissions qui auraient été promises et pas versées, dont la conséquence, rappelons-le, fut la mort de Français innocents tués dans un attentat.

takieddine_hortefeux_cope_inside3Takieddine et ses amis proches

Mais pour le moment et malgré les efforts inouïs que déploient les juges, dont le très compétent Van Ruymbecke pas connu pour lâcher une affaire, tout repose sur les assertions d'un Takieddine que les pires contempteurs de l'époque canonisent de nos jours (il faudrait savoir), parce qu'il commence à roucouler dans le sens de l'antisarkozysme. Nous avons tous cette intime conviction: on sait ce qui en est, mais hélas on ne peut pas le prouver.

Et pourquoi cette ignorance? Comment se fait-il que revenus au pouvoir de 1997 à 2002 puis à partir de 2012, disposant de tous les moyens d'investigation, les socialistes n'ont pas fait davantage que l'UMP pour éclaircir l'affaire, allant même jusqu'à ne pas lever le secret défense opportunément opposé aux juges?

Poser la question, c'est y répondre. On ne saura jamais rien rien de cette affaire où tout le monde a sans doute grenouillé soit pour en tirer avantage, soit par lâcheté politique, pour ne pas soulever un scandale monumental.

benjamin borghésio

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  • Républicain, tendance "gauche jacobine". Préoccupé par les questions socio-économiques, de même que par les questions d'environnement . Amoureux du Brésil et de la Guyane. Photographe, grand lecteur, fondu de vélo.
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