La "copa" au Brésil en 2014? Les JO en 2016? On en discute!

Que la question se pose maintenant, personne, il y a seulement un mois, ne l'aurait imaginé. Mais entre temps il y eu le printemps brésilien dont pour le moment personne ne sait à quoi il aboutira.

Ce qui est sûr, c'est que le peuple ne sera plus calmé par "le pain et les jeux": il faut répondre à ses attentes. Sans doute devra-t-on ne pas persister dans l'orthodoxie financière à laquelle Dilma crut devoir céder (le pourcentage de la dette publique n'est que de 60.8% du PIB, qui plus est pour l'essentiel détenus par des Brésiliens eux mêmes: il y a donc de la marge, surtout que le Brésil a un potentiel d'exportation conséquent), mais lancer un vaste programme d'équipemment et de formation qui répondra aux quatre exigences populaires:

Santé , Sécurité, Education, Infrastructures.

Et si ce sont sur les "éléphants blancs" que nécessitent une coupe du Monde et des JO, qu'il faut économiser, eh bien sacrifions-les! On voit de nos jours à quel point de grandes manifestations sportives internationales ont contribué à mettre la Grèce et le Portugal à genoux. Chose inouïe dans ce pays encore si chauvin il y a peu quand on parlait de sport, de plus en plus de voix réclament une anulation de la coupe et des jeux. Nous en sommes déjà à près de 12 milliards de dollars dépensés pour ces stades gigantesques (chacun d'entre eux a donné lieu à des scandales de surfacturation et/ou d'attribution du marché par le népotisme) contre sept prévus initialement, et le plus souvent il manque les infrastructures annexes telles que les routes ou le réseau de transports publics qui les desservira. En outre, pour les édifier, on a expulsé des dizaines de milliers de faveleros qui ont désormais quatre heures de transport au quotidien pour aller au travail et en revenir. Pendant ce temps, les programmes éducatifs ou de santé publique accumulent les retards et pour les jeux il faudra ajouter au moins six milliards de dollars.

Des millions d'enfants "étudient" encore dans ces conditions

Signe de la fébrilité du pouvoir, le chef de cabinet à la présidence, a indiqué que "le Brésil doit se préparer à l'éventualité que les manifestations qui secouent le pays affectent les Journées mondiales de la jeunesse catholique (JMJ) et la visite du pape François en juillet à Rio".

En clair, les autorités s'attendent à un mois d'agitation et ont peur par dessus tout que les pélerins venus du monde entier rapportent ce qu'ils ont vu et surtout "propagent la mauvaise foi", expliquant à ceux qui en douteraient encore que non, le monde n'en voudrait pas au Brésil de mettre son peuple avant les milliardaires corrompus et arrogants de la FIFA.

Contre la Coupe 2014 - Manifestation à Belo Horizonte

Le danger est croissant, de jour en jour, d'une déflagration provoquée par une "bavure". On compte déjà deux morts. Un garçon de 18 ans renversé par une voiture qui voulait franchir de force un barrage, et une femme, à Belém, qui courait pour éviter des grenades lacrymogènes, décédée d'une crise cardiaque. Deux morts indirectes, oserons nous dire, mais si d'aventure un batathlão de la police militaire perd ses nerfs et tire, nul ne sait ce qu'il adviendra. 

Que penses tu du logo de la Coupe 2014? Tout à fait en rapport avec les politiciens brésiliens qui y verront l'opportunité de mettre la main sur l'argent public...

L'intervention publique de Dilma Roussef, présidente (qui était très attendue). Synthèse.

Sur les manifestations, le maintien de l'ordre.

Dilma Rousseff a averti qu'elle ne laisserait pas une "minorité violente entacher un mouvement démocratique et pacifique", en se référant aux pillages commis surtout à Rio de janeiro, en marge des manifestations qui ont réuni 1,2 million de personnes* dans le pays. Elle a condamné avec vigueur "toute forme de violence et de vandalisme". "Je serai intransigeante envers la violence et le désordre", en promettant néanmoins de garantir le droit et la liberté de tous à manifester. "Le gouvernement ne ne peut accepter qu'une minorité violente et autoritaire détruise le patrimoine public et privé, attaque des temples, incendie des voitures, lance des pierres sur des autobus et tente de semer le chaos dans nos principales villes",...

Promesses un peu vaines puisque le maintien de l'ordre ne dépend pas du pouvoir fédéral (sauf à déclarer l'état de siège et mobiliser l'armée, mais quel signal!)

Dilma Roussef a fait complètement fausse route quand elle  a évoqué les menaces qui pesaient sur l'organisation de la Coupe du monde de 2014 et rappelé, avec des trélolos dans la voix, les cinq titres de la Seleçao dans cette compétition: cette semi menace de ne pas pouvoir organiser l'évènement a laissé les téléspectateurs hilares devant ce chantage.

Sur la corruption, le fonctionnement des institutions.

La Présidente a annoncé que le Brésil "oxygénerait son "système politique" en trouvant "des mécanismes pour rendre les institutions plus transparentes, plus résistantes aux déviances, et surtout plus perméables à l'influence de la société". "Nous avons besoin, mais vraiment besoin, de moyens plus efficaces pour combattre la corruption", a poursuivi Mme Rousseff, qui a limogé sept ministres soupçonnés de corruption depuis son arrivée au pouvoir en 2011.

Ce n'est jamais que ce que tout le monde déclare depuis la fin de la dictature, mais le maintien d'un système électoral tel que les partis qui s'appuient justement sur le népotisme et la corruption sont indispensables pour constituer une majorité de travail, et assez fort pour empêcher une évolution institutionnelle qui les mettrait de côté permet de laisser l'auditeur sceptique: seul un changement insurrectionnel permettra d'amender cette constitution bloquée.

Elle a enfin défendu les dépenses engagées pour l'organisation du Mondial 2014, cibles des critiques de nombreux manifestants. "Je veux préciser que l'argent dépensé dans les stades par le gouvernement fédéral (...) sera dûment remboursé par les entreprises et les gouvernements des États qui les exploiteront." "Je ne permettrai jamais que les deniers du gouvernement fédéral (...) négligent les secteurs prioritaires comme la santé et l'éducation", a-t-elle assuré. "Nous allons faire une grande Coupe du monde !"

Les gouvernements des états sont déjà passés à la sébile avec succès, pour obtenir des rallonges. Qui dans ces conditions est crédible, pour jurer que dans le futur ce ne sera pas le cas, d'autant plus que les programmes de santé et d'éducation unanimement revendiqués sont de leur ressort? Il leur sera facile d'invoquer les déficits pour ne pas les mettre en oeuvre... Quant aux entreprises, il leur restera toujours l'opportunité du dépôt de bilan, une fois les événements passés et le cash récolté.

Sur la crise de la représentatitivité.

Enfin, Dilma Roussef a annoncé qu'elle recevrait "les leaders des manifestations pacifiques, les représentants des organisations de jeunes, des syndicats, des mouvements de travailleurs, des associations populaires". "Nous avons besoin de leur contributions (...), de leur énergie et créativité, de leur pari sur l'avenir et de leur capacité à remettre en question les erreurs du passé et du présent".

Vaste programme... car pour le moment ce qui unit les manifestants, c'est à la fois le rejet des appareils traditionnels englués dans le système dont ils ont profité, et qui d'ailleurs étaient si éloignés du peuple qu'ils n'ont rien vu venir (cela inclut dirigeants politiques et syndicaux) et l'union autour des grands thèmes de lutte contre la corruption, pour le vrai développement du pays. Il faudra prendre le temps de laisser émerger de nouveaux interlocuteurs (cela prendra des mois) et si les caciques du passé tentent la moindre récupération, cela créera encore plus de défiance. 

Le point négatif... Pour le moment, on ne voit pas naître d'interlocuteurs fiables - Le point positif... Aucune émergence d'un sinistre clown comme Beppe Grillo en Italie

Beaucoup de choses dépendront du succès (ou non) de la grève générale prévue le 26 juin.

Une dérive inquiétante... heureusement très minoritaire. Cette manifestante appelle au pouvoir un des chefs d'une commission d'investigation anti-corruption, J. Barbosa, mais avec... l'armée!

* estimation des autorités, sans doute très loin de la réalité.

benjamin borghésio