Droite soi-disant Républicaine... La dérive.
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Deux événements récents posent problème, et nous amènent à nous interroger sur l'esprit républicain de caciques de l'UMP, ou assimilés - en dehors de l'opposition radicale et systématique exprimée contre le pouvoir qui, si elle fait partie du jeu en France, étonnera toujours la plupart de nos amis étrangers vivant dans un pays démocrate. Cette opposition a toujours été systématique chez nous, mais quand d'aventure la droite est ex-filtrée des palais nationaux (à ce jour, cela ne s'est produit que seize ans sur les cinquante-cinq de la Ve République, plus quatre ans de cohabitation où elle disposa de l'essentiel des pouvoirs), elle s'arroge systématiquement le droit de lancer des procès en illégitimité.
C'est génétique tant à l'UMP que dans les partis qui regroupaient ses actuels affidés: elle se considère seule compétente et fondée à gouverner ; tout autre moment de l'actualité politique est un accident de l'histoire qu'il faut réduire au plus vite.
Mais là, un palier a été franchi.
Henri Guaino tout d'abord, dont la tête enfle d'une manière pathologique, est visé pour une plainte (outrage à magistrat). On ne se prononcera pas sur la pertinence de la plainte, sur le fait qu'il faut ou non tolérer qu'un député censé faire le droit est supposé être le premier à le respecter. Mais quand il annonce son intention déclarée de refuser de se rendre à une convocation de la police (dans le cadre d'une enquête préliminaire) ou de la justice (si une instruction est ouverte), qu'en penser?
Qu'arrive-t-il au citoyen lambda qui agit de cette manière? C'est très simple: si l'affaire n'est pas trop grave, on le convoque une seconde fois, avant de venir le chercher manu militari. Si elle revêt un caractère d'importance ou si le justiciable est défavorablement connu des forces de l'ordre, on défonce sa porte à six heures du matin à coup de bélier, et on l'arrache de son lit non sans perquisitionner son domicile, le tout avant une garde à vue "virile".
En clair, "l'intransigeance héroïque" de Guaino n'est qu'un écran de fumée, car il sait fort bien que notable protégé par l'immunité parlementaire, ce genre de désagrément ne risque pas de lui arriver. Son outrance l'amène à se considérer à Zola (comme si Sarkozy était Dreyfus et qu'on l'avait expédié à l'île du Diable), mais puisque Guaino se pique de culture républicaine, on lui rappellera juste qu'après la parution de "J'accuse", Zola a affronté ses juges, cela sans faiblir et sans immunité. En clair, l'Austerlitz dont rêve Guaino, c'est avec des soldats de plomb sur une table de salon qu'il prétend le conduire.
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Boutin, ensuite. Par charité républicaine, on passera sur quelques-uns de ses propos qui ne sont que le reflet d'une sottise qui donne une idée de l'infini, assortie d'une sécheresse de coeur qui étonne de la part d'une grande chrétienne. On passera moins sur sa complicité apparente dans une affaire d'emploi fictif, concocté en complicité avec Guéant, pour recaser un petit copain "victime" du suffrage universel et qui bénéficia d'un emploi fictif dans son cabinet jusqu'à ce que son successeur, Benoit Apparut, y mette le holà.
Mais quand une députée ose énoncer qu'il y a des lois supérieures à celles de la République, on croit rêver. Surtout que les désaveux furent tout, sauf massifs.
A ce compte, que répondra-t-on à l'intégriste qui sortira en burqa, en contravention d'une loi récemment votée? Au sectaire qui refusera d'instruire ses enfants? Au polygame qui s'appuiera sur la coutume de ses racines pour épouser jusqu'à quatre femmes? A la mama qui fera exciser sa fillette? Au dingue façon NRA qui transformera son domicile en armurerie, excipant d'une supposée liberté à s'armer contre il le veut, même si elle est contraire à la loi de notre pays? A la limite, même, à celui qui refusera de payer ses impôts puisque le budget est une loi républicaine?
Il faudrait que la République sache se défendre contre des offensives de plus en plus violentes, et quotidiennes (et en ait enfin la volonté. Mais on ne perçoit guère de volonté à la tête de l'Etat, ces derniers mois). A ce compte là, pour préserver l'ordre républicain sans lequel il n'est point de liberté, quand les menaces viennent non pas de jeunes cons décervelés mais de personnalités dont la fonction est justement d'administrer nos institutions, je suis davantage sur la ligne "toute la gueule pour une dent" que sur celle qui consiste à tendre l'autre joue.
Tout dépositaire d'une autorité républicaine obtenue par le biais du suffrage universel et qui, par ses propos et ses actes, en vient à la négation de ce suffrage, fondement de l'ordre républicain, doit être chassé de ses fonctions sans préjudice des sanctions pénales appliquées au commun des mortels. Il y a là une frontière à ne pas dépasser, qui n'empêche nullement de s'opposer durement non pas à l'essence même de notre démocratie, mais à telle ou telle décision politique qu'a contrario on est fondé à juger mauvaise et à combattre par les droits reconnus (pétition, manifestation, vote sanction).
benjamin borghésio